Expositions

L’austérité est le concept politique central du tournant du 21e siècle, devenant l’outil avec lequel l’idéologie néolibérale, une fois au pouvoir, a pu appliquer son agenda aux différents secteurs de la société.
 

L’austérité se présente comme conjonction mécanique, analogue à celle de l’artiste, exerçant une pression systémique sur les résultats de la création, et sur les lectures de ceux-ci. Il ne s’agit pas d’adhérer aux principes comme artiste, mais plutôt de constater le reflet inévitable de l’idéologie sur la pratique, et de relever les repères esthétiques qu’offrent cette jonction. 
 

Le présent projet concrétise les influences, imprime le lexique mental comme processus. Il matérialise les vocabulaires à l’œuvre dans la création, et les affiche, à mi-chemin entre le muséal et le dazibao, comme va-et-vient entre l’imagination, l’inspiration et l’idéologie. Le corpus sculptural, caractérisé par le dépouillement et le minimalisme, trace ses origines conceptuelles dans l’Arte povera, particulièrement par son attention à la question matérielle, au-delà de son esthétique austéritaire. Du fait d’une préoccupation pour l’extraction, dans le contexte de l’anthropocène, l’utilisation du marbre prend un sens nouveau, remettant en question son statut de matériau noble, étant donné son exploitation industrielle dont la croissance menace plusieurs écosystèmes de l’Italie.  L’extractivisme est d’ailleurs caractéristique du système politique et économique actuel de par sa vision d’une exploitation illimitée des ressources, malgré les impacts environnementaux continuant de croître en intensité.
 

Le marbre a perdu de sa noblesse également par son remplacement comme matériau central de la sculpture : ainsi, Marie-France Brière détourne l’utilisation du marbre vers une exploration actuelle qui confronte la solidification d’un lexique classique et figuratif.
 

Si Marie-France Brière a exploré abondamment la notion de déconstruction, les nouvelles œuvres de l’exposition font acte du passage au prochain stade, au prochain mode d’organisation social, politique et économique, celui axé sur la dématérialisation, la suspension, l’invisibilité, et que l’on rattache au capitalisme numérique ou de surveillance. Dans la lignée des lectures féministes, on peut voir dans les œuvres présentées une structure certes non-visible, mais tout de même existante et puissante : la structure est domination qui, dans les mots de Gramsci, agit comme « consentement cuirassé de coercition », voilant/dévoilant cet aspect par une démarche d’enrobage.  
 

La déconstruction dans son volet politique préconisait l’austérité « phénix » : une purge, une élimination généralisée, qui permettrait une conservation du seul nécessaire. Maintenant, entrant dans l’ère du capitalisme numérique, phase subséquente du néolibéralisme après l’austérité, le questionnement se transpose sur d’autres enjeux : la reproductibilité, l’unicité et le formalisme. L’exposition La Pression austéritaire situe ce basculement. 
 

L’œuvre de Marie-France Brière est ouverte aux possibilités : son rejet de l’implication unique ouvre la voie à une autonomie de la critique, à une empreinte dans le monde, plutôt qu’à l’imposition d’un cadre prescriptif. Elle combine ainsi une visualité contemporaine avec une résistance aux schémas de la modernité et de la logique du retrait de l’effort et de la pensée autonome. Il s’agit aussi d’un signe de l’adhésion de l’artiste à l’abstraction comme valeur fondamentale de sa pratique, suivant la voie d’une imagination alternative, d’une réalité constamment à venir et en construction.